the observer logo

Articles d'intérêt

À la recherche de nouvelles valeurs : comment les gestionnaires de placement des régimes de retraite canadiens se préparent-ils à un environnement post-COVID-19

Par Alistair Almeida, directeur général et chef de segment, propriétaires d’actifs, CIBC Mellon
avril 12, 2021

Les régimes de retraite du Canada bénéficient d’une réputation mondiale bien méritée pour une gestion solide et pour un rendement résilient, mais ils ne sont pas à l’abri des chocs sur les marchés où ils exercent leurs activités. La pandémie de la COVID-19 a mis à l’épreuve les régimes de retraite et leurs gestionnaires d’actifs, entraînant une volatilité importante sur les marchés financiers, remodelant l’économie mondiale et obligeant les organisations de toutes tailles à mener leurs activités avec de nombreux employés et intervenants travaillant à distance. Dans ce contexte, CIBC Mellon a effectué un sondage auprès de 50 des principaux régimes de retraite du Canada, en cherchant à savoir comment ils ont géré la crise, les défis et les occasions qui se présentent maintenant et la façon dont ils se positionnent en conséquence. 

La bonne nouvelle, c’est que les régimes de retraite du Canada sont bien gouvernés et maintiennent des portefeuilles diversifiés qui offrent des rendements étroitement alignés sur leur passif à long terme. L’approche prévoyante des régimes de retraite a fourni une certaine protection contre les perturbations causées par la COVID-19. La plupart des régimes ont le temps et l’espace nécessaires pour faire face aux effets immédiats de la pandémie sur les rendements à court terme. Les régimes et les caisses de retraite canadiens ainsi que leurs gestionnaires continuent d’être considérés comme des chefs de file du secteur dans les marchés des services financiers canadiens et dans le monde entier. Le « modèle canadien » de régimes modernes à prestations déterminées, conjointement fiduciaires, à risque partagés et fortement régis, continue de faire l’objet d’une prise de conscience croissante sur la scène mondiale des régimes de retraite.

Les régimes de retraite du Canada font face à des défis familiers, notamment le vieillissement de la population, les espérances de vie plus longues, les ressources limitées, un environnement à taux d’intérêt faible soutenu et l’évolution des exigences réglementaires. Pour certains, ces pressions sont davantage amplifiées parmi les perspectives économiques mondiales inégales et les marchés qui évoluent rapidement. Dans cet environnement difficile, les chefs de file des régimes de retraite du Canada réfléchissent attentivement aux besoins afin de conserver la confiance dans leur capacité à respecter leurs obligations à long terme, surtout celle de financer les prestations de retraite de leurs participants. 

Construire à l’interne ou externaliser?

Une tendance clé qui découle de nos recherches est que de nombreuses caisses de retraite se préparent à intégrer davantage d’activités de placement à l’interne. À l’heure actuelle, les caisses de retraite visées par notre sondage gèrent en moyenne 22 % des actifs à l’interne, mais on s’attend à ce que ce pourcentage passe à 28 %. Cela peut indiquer un désir de réduire les coûts, avec des équipes internes capables de réaliser d’importantes économies : parmi celles qui ont réalisé des économies, la grande majorité a réalisé des économies de plus de 10 %, et plus d’un tiers a réalisé des économies allant de 21 % et 30 %. En effet, des études ont montré que le rendement solide de l’industrie canadienne comparé à celui de pairs internationaux s’explique, du moins en partie, par le recours accru aux équipes de gestion à l’interne. [1]

Les deux tiers de nos participants au sondage ont également indiqué que l’harmonisation plus claire des stratégies et des objectifs à long terme est un avantage clé de la gestion des actifs à l’interne. Comme les promoteurs et les gestionnaires de régimes de retraite font l’objet d’une surveillance accrue de la part des organismes de réglementation, des participants aux régimes, des employeurs, des contreparties et d’autres groupes d’intervenants, le fait qu’une équipe interne ait le potentiel de rehausser la qualité de la gouvernance peut devenir encore plus crucial.

Ce serait une erreur de considérer le débat entre la gestion d’actifs à l’interne et la gestion d’actifs externalisée comme noir et blanc. Notre sondage confirme que les caisses de retraite canadiennes adoptent une approche nuancée des modèles de placement, en employant un large éventail de stratégies.

Peu d’organisations peuvent être excellentes dans tous les domaines, et afin d’atteindre les résultats escomptés, il faut un investissement considérable en technologie, en talent et en temps. En effet, ceux qui évoluent à l’interne, dans n’importe quelle classe, font face à un éventail de défis, y compris le recrutement et la rétention de talents performants en matière de placement, les investissements substantiels et continus dans l’infrastructure technologique d’investissement et les besoins croissants des parties prenantes en matière de gouvernance et d’atténuation de risques.

Certaines catégories d’actifs sont plus propices à la gestion à l’interne que d’autres. Par exemple, à l’heure actuelle, les caisses de retraite sont plus susceptibles de gérer à l’interne des placements immobiliers, des titres de créances privées, des actions et des titres à revenu fixe. En revanche, dans des domaines plus spécialisés, tels que les contrats en matière d’infrastructures et les contrats dérivés, la dépendance envers les gestionnaires externes est considérablement plus élevée.

Externalisation réussie : les caisses de retraite exigent plus

Quelque 98 % des régimes de retraite travaillent actuellement en collaboration avec d’autres partenaires commanditaires pour investir dans des fonds, tandis que 78 % détiennent des co-placements. Les coentreprises (62 %), les programmes de gestion externe pour des classes d’actifs ou des zones géographiques spécifiques (84 %), les placements directs (62 %) et les fonds de fonds (42 %) sont tous des options populaires. Il convient également de noter que, si de nombreuses caisses de retraite continuent d’externaliser une grande partie de leurs portefeuilles, seuls 34 % ont un directeur de placement externalisé (OCIO).

Comme me l’a dit un chef de file en régime de retraite, en parlant de ces résultats, un programme de gestion externe solide peut produire de bons résultats, y compris la flexibilité et la possibilité de sélectionner les meilleurs talents sans assumer le risque lié au personnel clé. Il a aussi relevé qu’« il est plus facile de remplacer des gestionnaires externes peu performants que de remplacer des équipes internes ».

L’image représente celle des caisses de retraite qui adoptent une approche créative de la gestion des actifs. Lorsque la situation le permet, celles-ci travaillent avec des équipes internes et ces cas semblent augmenter. Dans d’autres cas, elles recherchent des partenariats et des collaborations, ainsi que des ententes d’externalisation à grande échelle. Il n’y a pas de solution universelle parmi la diversité des stratégies actuellement en jeu. Nous prévoyons que l’innovation et le changement se poursuivront, car les gestionnaires de caisses de retraite canadiennes se concentrent sur l’agilité et la réactivité dans le contexte d’un environnement de placement en évolution rapide.

Malgré leurs projets de gérer davantage d’actifs à l’interne, l’externalisation de la gestion des actifs demeure importante pour les caisses de retraite canadiennes. Les gestionnaires doivent être choisis avec soin, en s’appuyant sur des processus de sélection rigoureux et sur des mesures de rendement et de conformité qui constituent le fondement de leurs programmes d’externalisation. Les meilleurs rendements sont l’un des trois principaux moteurs pour celles qui nomment des gestionnaires externes, cités par 58 % des caisses de retraite. Cela va de pair avec le désir d’acquérir une expertise plus vaste et des services spécialisés, et ce, pour 56 % des caisses de retraite. Les caisses de retraite canadiennes sont également déterminées à tenir responsables leurs gestionnaires externes. Les caisses de retraite savent qu’elles feront face à des besoins croissants en matière de production de rapports de la part de leurs conseils et fiduciaires, ce qui comprend une forte surveillance de leur gestionnaire externe ou de leurs programmes OSCP. Les promoteurs de régimes de retraite ont pris à cœur la position réglementaire canadienne : ils peuvent externaliser une activité ou son exécution, mais ils ne peuvent pas en externaliser la responsabilité ou le devoir finaux. 

De nombreuses caisses de retraite ne sont pas seulement à la recherche de meilleurs résultats de la part de leurs gestionnaires externes, mais cherchent également à payer moins pour leurs services. Selon nos conclusions, 86 % des caisses de retraite affirment qu’elles ont l’intention de mener des négociations plus serrées sur les frais de placement au cours des 12 prochains mois. La plupart (80 %) des caisses de retraite ont l’intention de s’exprimer davantage sur les stratégies de placement. Cela concerne non seulement le rendement, mais aussi des questions plus générales comme la gouvernance et, pour certains, des facteurs non financiers ou fondés sur les valeurs, comme les questions environnementales, sociales et de gouvernance.

Les gestionnaires d’actifs à l’externe devront être prêts à relever le défi – alors que de nombreuses caisses de retraite affirment qu’elles sont satisfaites du rendement de leurs gestionnaires externes dans des domaines clés, il y a beaucoup de possibilités d’amélioration. Au sujet du coût, 42 % des caisses de retraite affirment qu’elles ne sont pas satisfaites des frais actuels. Cette importance accordée aux coûts est susceptible de s’intégrer aux modèles de tarification. Plus de la moitié des caisses de retraite (54 %) prévoient déjà d’augmenter les taux de rendement minimaux en matière de frais de rendement au cours des 12 prochains mois, et 34 % des celles-ci s’attendent à une augmentation significative de l’utilisation. De même, les deux tiers (66 %) des caisses de retraite s’attendent à ce que l’utilisation des taux de rendement minimaux indexés augmente. En ce qui concerne l’harmonisation de la stratégie avec les objectifs de placement, un facteur clé incitant au transfert à l’interne, seulement 60 % des caisses de retraite affirment qu’elles sont satisfaites ou très satisfaites du rendement de leurs gestionnaires. Le nombre augmente à 72 % dans la mesure où les gestionnaires ont une vision globale du rendement ajusté en fonction des risques des caisses de retraite, mais là aussi, il y a également place à l’amélioration. 

En outre, 60 % soulignent que les capacités technologiques à l’interne constituent un obstacle à la gestion des actifs à l’interne. La difficulté ne peut qu’augmenter au fur et à mesure que les outils et les technologies, tels que l’analyse des données, la science des données, l’apprentissage automatique et l’intelligence artificielle, s’intègrent au secteur de la gestion des actifs. Les données se taillent peu à peu la place centrale du processus de placement, avec une complexité croissante dans les catégories d’actifs, les marchés mondiaux et les sources d’information. De nombreux propriétaires d’actifs, tout comme autres investisseurs institutionnels, ont fait évoluer les environnements technologiques au fil du temps grâce à l’itération, et font face à des défis alors que leurs objectifs et leurs besoins dépassent les capacités des plateformes technologiques existantes. Déjà, 40 % des caisses de retraite affirment qu’elles s’inquiètent quant à leurs capacités en matière de gestion et d’exploitation de données.

Les défis de la gestion à l’interne sont encore multipliés lorsque les caisses de retraite passent aux placements sur le marché privé, avec des complications transfrontalières, des incohérences au sein des données, des obstacles à la transparence et une concurrence intense, que les relations amplifient, pour les transactions. Compte tenu de ces défis, la concurrence intense pour les talents qui peuvent produire des résultats extraordinaires n’est pas surprenante.

La technologie pourrait réduire les coûts et améliorer la transparence 

L’innovation, en particulier là où elle sera le thème au cours des deux prochaines années. De nouveaux modèles de prestation de services, soutenus par les progrès technologiques dans des domaines tels que la science des données et l’automatisation, pourraient fournir aux caisses de retraite les coûts réduits qu’elles recherchent. La technologie est également largement considérée comme étant un chemin vers la plus grande transparence que les investisseurs exigent maintenant; 30 % des caisses de retraite choisissent ce thème comme thème clé à surveiller. De nouveaux outils qui rapprochent les investisseurs, avec des renseignements détaillés sur le rendement de leurs fonds et la façon dont ils sont gérés offrent des avancées intéressantes à cet égard. 

Par ailleurs, l’accent mis sur la consolidation des entités de régimes (par 26 % des caisses de retraite) reflète leur désir constant de garantir des économies d’échelle et une plus grande efficacité, ainsi que d’offrir un moyen possible de réduire le risque. Pour certaines organisations de régimes de retraite qui ont acquis de l’envergure et du succès à mesure qu’elles se sont développées, et pour les régimes multiemployeurs, une décision d’accepter des actifs ou des responsabilités de retraite de l’externe peut représenter la prochaine frontière.

Considérations et questions dont les régimes de retraite pourraient tenir compte. 

1. Que ferez-vous à l’interne et qu’externaliserez-vous?

  1.  Quel est le profil de coûts probable de votre modèle opérationnel?
  2.  Les niveaux de capacité et de complexité nécessaires pour atteindre les objectifs sont-ils présents? Comment cela se compare-t-il à la consolidation ou à l’externalisation des activités liées à la caisse de retraite ou aux placements?
  3.  Quels sont vos besoins et exigences envers les fournisseurs pour les secteurs que vous choisissez d’externaliser?

2. Comment votre régime permettra-t-il d’atteindre l’efficacité et l’échelle tout en offrant une expérience conviviale aux participants relativement aux paiements et aux renseignements sur les participants, y compris pour les régimes complexes à plusieurs employeurs et les
régimes sous-jacents?

3. Comment votre régime aborde-t-il avec les placements alternatifs et comment vos approches vont-elles évoluer au fil du temps?

  1.  De quel talent avez-vous besoin à l’interne et quel talent pouvez-vous obtenir auprès des fournisseurs et des partenaires?
  2. Comment allez-vous suivre le rythme des attentes croissantes des parties prenantes, telles que les conseils d’administration, les fiduciaires et autres parties prenantes?
  3.  Comment votre régime appuie-t-il la conformité nécessaire à l’environnement réglementaire d’aujourd’hui et de l’année à venir?

Conclusion

D’après nos recherches, les régimes de retraite canadiens ne sont pas encore établis selon un modèle unique et correct de gestion des actifs de retraite, d’exploitation et de services aux participants. Les régimes de retraite, les gestionnaires d’actifs de retraite et les autres prestataires doivent comprendre et évaluer comment répartir leur temps, leurs talents et leurs ressources. Les régimes peuvent établir, à l’interne, des fonctions robustes de gestion d’actifs, investir stratégiquement dans la technologie et se concentrer étroitement sur les domaines clés où ils peuvent déployer leur capacité, leur expertise et leur précision afin de créer des avantages pour les parties prenantes, tout en externalisant des fonctions vers des fournisseurs de premier plan là où le bon sens l’exige. D’autres peuvent déterminer que les exigences en matière de talent, de technologie et de risque dépassent leur capacité à l’interne et se concentrent plutôt sur la création d’une organisation de gouvernance efficace et allégée conçue pour maximiser l’incidence sur la plupart des activités externalisées. Parmi les nombreux choix offerts, les régimes de retraite canadiens continuent de prendre leurs engagements au sérieux, de travailler afin d’améliorer continuellement leurs modèles de placement, de technologie et d’exploitation et de travailler sans relâche afin d’obtenir les bons résultats pour les participants et les parties prenantes au régime sous-jacent. 

Pour discuter de nos constatations, n’hésitez pas à communiquer avec l’auteur ou avec votre personne-ressource chez CIBC Mellon.

____________________

Référence

1 “The World’s Best Pension Funds Are Canadian. Sorry.” Investisseur institutionnel, Christine Idzelis. 6 août 2020. https://www.institutionalinvestor.com/article/b1mtnmnvkzwn2j/


Alistair Almeida, directeur général et chef de segment, propriétaires d’actifs, CIBC Mellon

Alistair Almeida est directeur général et chef de segment, propriétaires d’actifs, pour CIBC Mellon. Alistair a la responsabilité de travailler avec des propriétaires d’actifs canadiens à mesure qu’ils se développent et qu’ils évoluent, d’établir des liens et d’offrir un soutien aux régimes de retraite multinationaux lorsqu’ils s’engagent au Canada, et de développer et d’élargir la présence de CIBC Mellon dans l’espace des propriétaires d’actifs canadiens.

Alistair a occupé divers postes de direction dans le secteur des services d’actifs. Auparavant, il a dirigé l’équipe de gestion des relations de CIBC Mellon responsable du segment des fonds stratégiques. Ces clients comprenaient des banques, des gestionnaires de fonds, des courtiers négociants et des compagnies d’assurance avec des groupes de fonds au Canada. Il a également dirigé les institutions financières mondiales de CIBC Mellon et sa pratique de relations de conservation nationale. Alistair s’est joint à CIBC Mellon en 2007, de RBC, où il était directeur de la gestion des relations pour les gestionnaires de fonds américains et canadiens. Alistair possède plus de 25 ans d’expérience dans la gestion de clients institutionnels partout dans le monde, notamment dans des postes qu’il a occupés à Toronto, Londres, et Singapour. Il est titulaire d’une maîtrise en administration des affaires (MBA) de la Rotman School of Management de l’Université de Toronto.


Observer Advertisement