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La réussite à long terme des régimes de retraite repose sur de solides normes de gouvernance

Par Josh Welsh, journaliste, Benefits and Pensions Monitor
novembre 20, 2025

La gouvernance et la gestion des risques requièrent des efforts continuels et ne sont pas que des cases de conformité à cocher, affirme la chef de la direction d’APN Advisory.


Le système de régimes de retraite du Canada doit reposer sur une solide gouvernance afin d’ainsi aider à protéger les prestations des participants. 

Ceci est l’opinion d’Ana Nunes et de Sean Hewitt, alors que les conseils d’administration des régimes de retraite et les fiduciaires font face à des risques en constante évolution, à une réglementation changeante et à des objectifs stratégiques à long terme.

M. Hewitt, président et chef de la direction de Vestcor Inc., souligne qu’il n’existe aucune formule unique en ce qui concerne la gouvernance des régimes de retraite. Selon lui, il s’agit plutôt d’un processus continu se devant d’être flexible et en évolution constante.

« Avoir une matrice de compétence et cerner les besoins de votre conseil ou de votre groupe de fiduciaires peut certainement aider lors de cette discussion. Cependant, cela ne se fera pas en claquant des doigts. Les fiduciaires ont accès à de nombreux outils pour ne rien laisser au hasard », poursuit-il. 

Pour possiblement simplifier le tout, M. Hewitt suggère de tirer profit des conseils des spécialistes ainsi que d’établir des partenariats de confiance.

Mme Nunes mentionne que la gouvernance et la gestion des risques requièrent des efforts continuels et ne sont pas que des cases de conformité à cocher pour les commissions et les promoteurs de régimes de retraite.

« La gouvernance et la gestion des risques, c’est un tout un processus. N’essayez pas de tout faire en même temps, car vous vous frustrerez et risquez d’échouer. Commencez à partir de votre situation actuelle, puis continuez d’évoluer en adoptant des mesures qui vous aident en tant que conseil. Il ne s’agit pas d’un exercice de conformité. Faites-le plutôt parce que c’est utile et parce que vous pouvez apprendre des autres », dit Mme Nunes, fondatrice et chef de la direction du cabinet APN Advisory Canada. 

Selon elle, parler de ce qui fonctionne dans une entreprise peut aider les conseils d’administration à éviter des erreurs et à adopter des stratégies éprouvées encore plus efficacement.

Comme M. Hewitt l’a mentionné, une solide gouvernance est essentielle, et on ne saurait trop insister sur la protection des prestations de retraite des participants. Cette gouvernance doit s’appuyer sur des pratiques exemplaires et être conçue pour appuyer une prise de décision éclairée et responsable, puisque pour les fiduciaires, faire preuve de bon jugement est fondamental.

Bien que Mme Nunes soit d’accord avec ce point, elle mentionne les difficultés structurelles auxquelles les fiduciaires sont confrontés : ils sont responsables de l’entière surveillance du régime de retraite, sans toutefois participer à ses activités quotidiennes. Il s’agit donc d’un rôle extrêmement important, quoiqu’intrinsèquement difficile.

Lorsqu’on lui demande les principales répercussions de la gouvernance d’aujourd’hui sur les régimes de retraite, Mme Nunes souligne la complexité croissante de l’environnement externe. Elle mentionne que divers risques mondiaux et opérationnels constituent un « défi majeur pour la surveillance des régimes de retraite », notamment la volatilité du marché, l’incertitude géopolitique, les pressions économiques et même des cybermenaces. 

C’est pourquoi elle insiste sur la nécessité de mettre en place des mesures qui permettront de protéger les données sur nos membres et leurs placements, ainsi que de réagir rapidement en cas de cyberattaque.

M. Hewitt reconnaît également un certain manque de compétences en matière de technologie de l’information. Compte tenu de la popularité croissante de l’intelligence artificielle et du degré de complexité de plus en plus élevé des cybermenaces, les conseils d’administration doivent activement avoir recours à des experts de ces domaines, continue-t-il, en mentionnant que Vestcor a, depuis, déployé les efforts requis pour munir son conseil d’administration de ces connaissances.

Mme Nunes insiste sur l’utilité pratique d’outils visuels simples pour aider les conseils d’administration des régimes de retraite. Une méthode qu’elle apprécie particulièrement est l’utilisation de tableaux de bord du risque, qui sont également utiles pour la planification stratégique et l’établissement d’objectifs.

« Un sommaire d’une page sur les principaux risques d’un régime permet aux fiduciaires d’avoir une vision d’avenir et d’être en mesure de rajuster le tir, au besoin », explique Mme Nunes. 

Elle relève également une lacune encore plus fondamentale : le manque de compréhension des processus de gouvernance eux-mêmes. Des éléments comme la gestion des réunions et la composition du conseil d’administration sont souvent mis de côté, particulièrement par les conseils qui n’ont pas suivi de formation officielle sur la gouvernance. 

Elle pense cependant que le vent commence à tourner, puisqu’une formation adéquate améliore le déroulement des activités en plus de clarifier la définition des rôles pour les membres du conseil d’administration et la direction.

Selon M. Hewitt, une matrice de compétence bien définie est de plus en plus indispensable pour aider les conseils d’administration des régimes de retraite à cerner leurs besoins, notamment en raison de la complexité croissante des procédures de surveillance, puisqu’elle fournit un cadre clair pour le recrutement et le développement des conseils.

Outre la mise en place d’un profil de compétences, il souligne l’importance de la réflexion interne, particulièrement en ce qui concerne l’évaluation du rendement et des risques de ses fournisseurs de services tiers. 

« Prendre le temps d’évaluer ses fournisseurs de service, y compris la gestion des risques, est très important », a affirmé M. Hewitt. « Je pense que le degré d’évaluation des tiers et de gestion des risques liés à l’utilisation de ces fournisseurs tiers a augmenté. Ce niveau de maturité a augmenté. Mais je m’attends à ce que cela continue lors des cinq prochaines années. »

En ce qui concerne les risques de la prochaine décennie, M. Hewitt et Mme Nunes s’entendent pour dire que certains risques, particulièrement ceux liés à la cybersécurité et à l’intelligence artificielle, ne sont plus « émergents »; ils font désormais partie de l’écosystème du risque des régimes de retraite. 

L’instabilité géopolitique demeure également un enjeu constant pour les administrateurs de régimes. M. Hewitt et Mme Nunes ont tous les deux mentionné que les risques environnementaux et liés à l’ESG sont des préoccupations constantes, même si on en entend moins parler ces dernières années.

Mme Nunes précise notamment que les conseils d’administration ont de la difficulté à aborder les risques climatiques en raison de leur caractère à long terme et de l’absence d’une solution unique pour y faire face. Les régimes de retraite sont encore en train d’évaluer leur degré de proactivité ou de réactivité quant à ces risques, car ils reconnaissent que les décisions d’aujourd’hui peuvent avoir d’importantes conséquences ultérieurement.

Alors que les régimes de retraite réagissent et s’adaptent aux cadres de gestion des risques, notamment les lignes directrices de l’ACOR, Mme Nunes et M. Hewitt expliquent que la mise en œuvre de nouvelles lignes directrices a aidé leurs propres organisations à fixer des objectifs clés précis et clairs, particulièrement en matière de financement. 

En définissant clairement les objectifs, comme des ratios de financement et des taux de répartition acceptables, le conseil de Mme Nunes a établi des indices de référence mesurables pour ainsi mieux guider la surveillance des régimes. Ce degré de précision a mené à une évaluation plus quantitative des risques axée sur les objectifs stratégiques du régime, un nouveau processus hautement efficace.

Mme Nunes insiste sur l’importance d’une adoption graduelle et pratique des nouvelles lignes directrices. Plutôt que d’essayer de tout changer en même temps, elle recommande aux conseils de débuter par une honnête évaluation de leurs pratiques actuelles, puis de se concentrer sur un ou deux éléments à améliorer à la fois. 

En ce qui concerne les résultats sur les participants aux régimes, les deux spécialistes reconnaissent que comprendre les attentes des participants et y répondre demeure un défi pour les commissions de régimes de retraite. Mme Nunes mentionne à quel point il est difficile d’évaluer les réflexions des participants à l’égard de leurs régimes de retraite, en soulignant l’efficacité limitée des outils comme les sondages et les groupes de discussion. 

M. Hewitt renchérit quant à lui en expliquant que l’opinion des participants varie généralement beaucoup, notamment en ce qui concerne les enjeux d’ESG, compliquant ainsi l’arrivée à un consensus. Selon lui, les conseils d’administration devraient plutôt fonder leurs décisions sur les éléments qui contribuent le plus à leur durabilité à long terme.

Même la culture au sein de chaque conseil est importante, ajoute Mme Nunes, en soulignant le besoin d’espace favorisant les différences d’opinions et les discussions constructives, tout en menant à des décisions finales éclairées. 

« La dynamique et les relations entre chaque membre du conseil d’administration peuvent être tout aussi importantes que les points à l’ordre du jour », a-t-elle déclaré. 


Josh Welsh, journaliste, Benefits and Pensions Monitor

Josh Welsh est journaliste dans le secteur de la gestion de patrimoine pour Key Media. Il est le principal journaliste de BPM et a écrit pour InvestmentNews, la publication américaine sœur de BPM. Il a étudié au Humber College, et est titulaire d’un baccalauréat en journalisme et d’un diplôme en art dramatique.

En dehors de l’écriture et des entrevues, il fréquente l’historique Arts and Letters Club of Toronto, où il assiste au tout dernier film sur le plus grand écran possible, ou poursuit son rêve de devenir acteur. Pour toute suggestion d’article ou communiquer avec lui, écrivez-lui à l’adresse [email protected].