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Évolution de l’approche des régimes de retraite à l’égard des placements non traditionnels
Au Canada, les régimes de retraite à prestations déterminées ajoutent des actifs non traditionnels depuis des décennies, et bon nombre d’entre eux allouent une part importante de leur portefeuille à ce type de placements. Cette catégorie d’actif a l’attrait d’offrir un rendement ayant une faible corrélation avec celui des actions et des obligations traditionnelles, mais la mise en œuvre et le suivi d’un volet efficace d’actifs non traditionnels ne sont pas pour les âmes sensibles.
J’ai récemment rencontré trois experts pour discuter de leurs expériences de propriétaire d’actif, de gestionnaire de placements et de conseiller. Monsieur Bob Dhaliwal est fiduciaire administratif du Waterfront Industry Pension Plan, monsieur Daren Atkinson est directeur et gestionnaire de portefeuille chez Leith Wheeler, et madame Julianna Spiropoulos est associée dans le groupe Consultation en placements de TELUS Santé. Leurs perspectives ont révélé les nuances quant à la façon dont les régimes adaptent leur approche en matière de placements non traditionnels pour gérer à la fois les avantages et les défis de ce type d’actifs.
Les principaux points à retenir de cette discussion sont l’évolution de la perception de la structure des fonds, l’attrait croissant des solutions alternatives à plusieurs catégories d’actif, et la façon dont les régimes relèvent les défis liés au déploiement des capitaux, aux structures tarifaires et aux complexités administratives. Que vous ayez déjà établi un programme de placements non traditionnels ou que vous envisagiez ces actifs pour la première fois, les renseignements suivants offrent des perspectives intéressantes sur l’évolution ou la mise en place d’une solide stratégie de placements non traditionnels.
Le recours aux placements non traditionnels a évolué depuis que de grands régimes ont commencé à les intégrer. Dans le passé, les régimes suivaient souvent une approche par étapes pour ajouter des placements non traditionnels. En général, ils se familiarisaient d’abord avec des placements non traditionnels tangibles comme l’immobilier, avant de progresser vers des stratégies plus complexes. Cette approche a permis aux fiduciaires d’acquérir les connaissances nécessaires et d’être à l’aise avec les placements non traditionnels pour bénéficier de leurs avantages sur le plan du rendement et de la diversification. M. Dhaliwal a souligné que le régime Longshore a adopté cette approche, en effectuant d’abord des placements immobiliers et dans les infrastructures, et en souscrivant ensuite des titres de dette privée et des actions de sociétés privées.
Les actifs réels sont alors apparus comme une occasion particulièrement intéressante. Mme Spiropoulos a expliqué que « l’immobilier, les infrastructures et les terres agricoles, celles-ci gagnant en popularité, sont vraiment attrayants parce qu’ils offrent une certaine protection contre l’inflation ». Elle a poursuivi en expliquant que non seulement les actifs réels sont soumis à des forces économiques différentes de celles des marchés traditionnels, mais que le concept d’investissement dans une ferme ou un aéroport est relativement simple à expliquer aux fiduciaires.
La tendance à mettre en œuvre des placements non traditionnels ne se limite pas à la sélection de sous-catégories d’actifs; cette méthode évolue et devient de plus en plus accessible aux régimes de toutes tailles. M. Atkinson a souligné que sa société a commencé à s’intéresser à différentes catégories d’actifs non traditionnels il y a environ huit ans, afin d’enrichir son offre de placements traditionnels et d’aider ses clients à y avoir accès. Finalement, cette approche a mené à la création d’un fonds d’actifs multi-privés qui permet aux clients de plus petite envergure d’accéder à des stratégies auparavant hors de portée en raison des cotisations minimales élevées. Mme Spiropoulos trouve que la diversification entre plusieurs catégories de placements non traditionnels au sein d’un même instrument est particulièrement attrayante pour ses plus petits clients.
Le groupe d’experts a souligné la complexité des fonds à capital fixe, pouvant mettre les placements non traditionnels hors de portée pour les petits régimes. Même dans le cas d’un régime de plus grande taille, M. Dhaliwal faisait remarquer que la charge administrative liée à la gestion des appels de capitaux et à la redistribution des fonds revient parfois chaque semaine. Une fois que les placements non traditionnels sont bien implantés dans le régime, il y a probablement diverses générations pour plusieurs catégories d’actifs, ce qui nécessite une surveillance constante. La part de placements non traditionnels d’un portefeuille occupe souvent une grande partie de la tâche administrative totale d’un régime. M. Dhaliwal et Mme Spiropoulos ont tous deux reconnu que l’utilisation de fonds à capital variable est relativement plus facile à gérer. La disponibilité croissante de fonds alternatifs multi-actifs à capital variable permet à un plus grand nombre de régimes de retraite d’accéder à des placements non traditionnels tout en atténuant certains des défis opérationnels associés aux structures à capital fixe. L’utilisation d’un fonds multi-actifs à capital variable ne signifie pas nécessairement que les régimes renoncent aux avantages de diversification et de corrélation qu’apportent les fonds à capital fixe. Les fonds sous-jacents peuvent être à la fois des fonds à capital fixe et des fonds à capital variable, comme c’est le cas pour le produit de Leith Wheeler, qui limite les structures à capital fixe à 20 % du portefeuille afin de maintenir les liquidités nécessaires au niveau du fonds.
La mise en œuvre d’actifs alternatifs au sein d’un régime de retraite requiert une approche réfléchie tenant compte à la fois des possibilités et des risques dans un marché en évolution constante. Au-delà du choix d’une structure ouverte ou fermée et ses complexités administratives, les frais et les difficultés d’évaluation sont des éléments importants à prendre en considération lors de la mise en place. La plupart des placements non traditionnels comportent des frais élevés. Ainsi, les rendements et les avantages potentiels doivent justifier les coûts et les efforts.
La clé du succès se trouve dans la formation des fiduciaires avant la mise en œuvre. Mme Spiropoulos a mentionné que la formation devrait se concentrer sur la proposition de valeur des placements non traditionnels du point de vue du risque et du rendement, plutôt que d’être axée sur l’expertise technique. Chaque groupe de fiduciaires possède un niveau d’expérience différent, et il est nécessaire que chacun comprenne les implications en matière de coûts, de complexité et d’exigences de suivi avant de se lancer. Par exemple, la formation sur l’évaluation peu fréquente de nombreux placements non traditionnels et sur le délai dans lequel ils font l’objet d’un rapport peut être notamment nécessaire pour les personnes habituées à une évaluation quotidienne des catégories d’actif traditionnel.
Les recommandations et la diligence raisonnable d’un conseiller ont aidé M. Dhaliwal à faire en sorte que les évaluations soient réexaminées, afin de s’assurer qu’elles sont raisonnables. Le groupe d’experts a souligné l’importance d’établir des cadres de suivi clairs. Il s’agit notamment de comprendre comment évaluer le rendement des différents types de placements, particulièrement en raison de la difficulté de comparer les rendements pondérés en fonction des liquidités et ceux pondérés en fonction des échéances. Or, avec un soutien adéquat, l’accessibilité n’a jamais été aussi bonne pour les régimes de toutes tailles, surtout pour les petits régimes dont les ressources administratives sont limitées.
Plusieurs tendances façonnent l’avenir des placements non traditionnels dans les portefeuilles de retraite pour le reste de 2025 et les prochaines années. La tendance vers des instruments de placement plus accessibles et plus flexibles devrait se poursuivre. Les stratégies alternatives multi-actifs pourraient évoluer davantage, offrant potentiellement une meilleure liquidité ou des placements minimums moins élevés. Une pochette de liquidité cotée en Bourse au sein d’un fonds d’actifs privés ou une composante alternative d’un portefeuille équilibré ou à horizon de retraite peut gagner en popularité et contribuer à démocratiser les placements non traditionnels pour un plus large éventail d’investisseurs, y compris les participants à des régimes de retraite à cotisations déterminées.
En fin de compte, un processus minutieux est nécessaire pour réussir la mise en œuvre de placements non traditionnels afin d’équilibrer les avantages potentiels avec les défis opérationnels et de gouvernance que ces actifs présentent. En évaluant leurs capacités et leurs ressources, les régimes peuvent assurer une gestion réussie de ces placements à long terme.
Andrea Schmelcher, conseillère principale, TELUS Health
Andrea est conseillère principale au sein du service de consultation en CD de TELUS Santé. Elle est au service des investisseurs institutionnels depuis 2009, et s'est concentrée sur les investissements pendant la majeure partie de sa carrière. Andrea a travaillé avec une variété de clients de tailles et de types de régimes, avec un accent particulier sur les régimes d'accumulation de capital. En raison de ses antécédents, elle s'intéresse de près à la gamme de fonds que les commanditaires offrent à leurs membres. Andrea aide les commanditaires à formuler et à documenter leurs convictions en matière d'investissement et contribue à aligner la structure de la gamme de fonds sur ces idéaux. En examinant la performance du régime, Andrea aide les clients à interpréter les statistiques de leur régime pour prendre des décisions éclairées, afin d'améliorer l'engagement des participants et les résultats en matière de retraite. Andrea travaille également en étroite collaboration avec l'équipe de conseillers en placement de TELUS Santé, afin d'assurer une surveillance indépendante et continue des investissements des fonds. Elle dirige les efforts de recherche sur les fonds à date cible et siège à un comité chargé d'évaluer les recherches menées sur toutes les catégories d'actifs par les analystes en placements de TELUS Santé.