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L’importance du « S » dans l’équation ESG

Par Raphaël Gariépy, Conseiller principal, Gestion d'actifs, Normandin Beaudry, avec les co-auteurs Mélinda Bastien et Valérie Lacroix

Au cours des dernières années, des équipes de recherche de l’Université de Stanford[1] ont relevé plusieurs raisons pour expliquer l’amplification des risques sociaux, y compris le risque réputationnel. La montée de l’importance du risque réputationnel est expliquée en partie par la multiplication des réseaux sociaux, qui facilite et accélère la diffusion de l’information et la sensibilité accrue de la génération Y face aux situations délicates autrefois tolérées ou ignorées. 

Ainsi, adhérer à des valeurs d’équité, de diversité et d’inclusion (EDI), de justice ou de bien-être des employés permet aux organisations de se démarquer, alors qu’omettre de les prendre en considération peut nuire à leur notoriété. En effet, le public s’attend à ce qu’une entreprise génère des retombées positives pour la société et ses actions sont évaluées en fonction des retombées sur l’ensemble des parties prenantes. 

Une culture organisationnelle de qualité pour un meilleur rendement 

Une culture organisationnelle alignée sur des valeurs fondamentales est l’un des facteurs de succès d’une entreprise performante. Elle favorise l’attraction et la fidélisation des talents ainsi que de la clientèle qui partagent ces mêmes valeurs. D’ailleurs, les générations Z et Y attachent plus d’importance à l’EDI que leurs prédécesseurs[2]

La perception qu’une organisation est un « bon citoyen corporatif » influence les décisions financières des consommateurs et des actionnaires, tout en contribuant au sentiment d’appartenance et à la satisfaction au travail des employés. En outre, l’implication du personnel envers la responsabilité sociétale de l’entreprise a un effet non négligeable sur la performance financière de cette dernière.   

Une étude publiée en 2023 a démontré qu’il est possible, en utilisant l’intelligence artificielle et le traitement du langage naturel, de quantifier l’effet produit par le sentiment des employés à l’égard de la direction sur le rendement financier d’une entreprise. L’analyse a révélé qu’une hausse de 1 % de l’évaluation du sentiment de confiance envers la direction augmentait la valeur marchande et le chiffre d’affaires d’une entreprise de près de 0,75 %.

Une gamme d’indicateurs pour mesurer la culture d’une entreprise

Outre les commentaires du personnel sur les sites de recherche d’emploi, il existe d’autres façons de mesurer la culture d’une entreprise et sa contribution à un rendement robuste à long terme. Certains indicateurs comme le taux d’absentéisme, la proportion de postes comblés par des recommandations, le taux de roulement des talents les plus performants ou le ratio de recrutement interne / externe sont des exemples concrets de la satisfaction du personnel[3].

De plus, la mesure de certains indicateurs peut démontrer qu’une firme a mis en place une culture réellement inclusive qui fait la promotion de la diversité. Un exemple concret est l’indice d’inclusion de la firme Gartner qui mesure le sentiment du personnel à l’aide d’une définition précise de l’inclusion. Les éléments évalués incluent la perception d’un traitement équitable pour les talents contribuant aux objectifs stratégiques de la firme, le respect des différences d’opinions, la sécurité psychologique des employés, la confiance dans les communications de la firme, le sentiment d’appartenance ainsi que la diversité des cadres qui reflète celle de l’ensemble du personnel moins expérimenté. 

En ce qui concerne la santé et la sécurité au travail, des mesures telles que le nombre d’accidents ou d’arrêts de travail, de cas d’épuisement professionnel et de plaintes pour harcèlement sont aussi des indicateurs clés de la qualité d’une culture organisationnelle. Par exemple, un taux d’épuisement professionnel élevé peut laisser croire que le bien-être des employés est secondaire, ce qui nuit à la mobilisation et probablement au rendement financier de la firme à long terme.

Une intégration forte en ESG pour une bonne gestion de risques

Depuis la guerre en Ukraine, les risques géopolitiques, l’indépendance des entreprises envers le gouvernement russe et les répercussions sur les populations sont au centre des discussions en matière d’investissement dans les pays émergents, car la Russie et l’Ukraine sont considérées comme des pays non développés d’un point de vue de l’investissement.

Au printemps 2022, les spécialistes en investissement durable et en marchés boursiers de Normandin Beaudry ont rencontré plus d’une trentaine de gestionnaires spécialisés en pays émergents pour les questionner et tenter de comprendre la portée de ces risques en matière d’investissement durable pour ces pays où, historiquement, on trouve davantage d’enjeux liés aux droits de la personne, à la transparence et aux bonnes pratiques d’entreprise.

Trois principaux constats sont ressortis de ces discussions :

  • Selon les critères d’évaluation, moins de 20 % des gestionnaires répondaient à la totalité des bonnes pratiques au chapitre de l’intégration des facteurs ESG et des risques géopolitiques dans leur processus de gestion. 
  • De ce 20 %, plus de 80 % des gestionnaires avaient une exposition nulle, ou moindre que le marché, à des compagnies établies en Russie avant le déclenchement de la guerre. Ceci démontre qu’un gestionnaire qui intègre grandement les risques ESG et géopolitiques est généralement mieux positionné pour atténuer les risques.
  • Une grande majorité des gestionnaires ont parlé de l’influence des investisseurs en mentionnant que plusieurs organisations au sein de pays émergents utilisent l’expertise mondiale des gestionnaires pour avoir accès aux meilleures pratiques d’entreprise. 

Une intégration des facteurs sociaux qui passe par les gestionnaires demeure un élément primordial dans la gestion de risques d’une structure de placement et encore plus lorsqu’il s’agit de catégories d’actifs à risque plus élevé.

La gestion en silo, très peu pour aider l’ESG

Les entreprises ont un rôle crucial à jouer pour répondre aux défis environnementaux, sociaux et de gouvernance auxquels notre monde est confronté. On demande de plus en plus aux entreprises de faire preuve de transparence et d’agir comme un bon citoyen corporatif et il n’y a aucune raison de sous-estimer les défis liés aux aspects sociaux de notre société. 

Ultimement, les enjeux sociaux et de gouvernance ainsi que les changements climatiques sont tous interreliés et les utiliser à différents niveaux permet de minimiser les angles morts qui pourraient influencer la performance des entreprises ou la stabilité de notre société. Prenons comme exemple les entreprises minières installées depuis des années dans les communautés du Nord. Un départ de celles-ci pour des considérations environnementales pourrait avoir des effets dévastateurs sur le tissu social de plusieurs communautés. C’est pourquoi les organisations et les investisseurs doivent prendre en compte les effets des activités commerciales sur l’ensemble des parties prenantes (clientèle, personnel, actionnaires et société). Cela implique d’examiner de manière proactive les risques et les opportunités liés à leur impact environnemental, social et de gouvernance, pour mettre en œuvre des stratégies d’optimisation, car les entreprises qui réussiront à gérer efficacement les risques liés aux facteurs ESG seront plus susceptibles de maintenir leur rentabilité à long terme.



[1] Blindsided by Social Risk: How Do Companies Survive a Storm of Their Own Making? https://corpgov.law.harvard.edu/2020/08/10/blindsided-by-social-risk-how-do-companies-survive-a-storm-of-their-own-making/ 

[2] Ibid

Raphaël Gariépy, M. Sc., CFA, Conseiller principal, Gestion d’actifs

Raphaël Gariépy

Raphaël détient une formation en actuariat combiné à une maîtrise en finance. Il œuvre dans l’équipe de gestion d’actifs de Normandin Beaudry depuis plus de 10 ans. Conseiller polyvalent, il met à profit son expertise novatrice, développée auprès d’une clientèle variée (régimes de retraite des secteurs publics et privés, communautés religieuses et familles fortunées).

Raphaël est le responsable de l’équipe de recherche en marchés boursiers. Il s'occupe d’établir les convictions de placements pour les portefeuilles de marchés boursiers des clients et effectue la vigie et le suivi des gestionnaires. Raphaël est également un expert et membre fondateur de l’équipe d’investissement durable de Normandin Beaudry. Il a aidé à bâtir les outils pour le suivi dans les structures de placement et à implanter des démarches d’investissement durable avec ses clients.


Mélinda Bastien, ASA, Conseillère principale, Gestion d’actifs

Melinda Bastien

Mélinda œuvre dans les équipes de gestion d’actifs et d’épargne retraite de Normandin Beaudry depuis 2007. Elle possède une expérience variée en matière de suivi de la performance des gestionnaires de placements. Elle a eu la chance à travers le temps de servir des clients de toutes les tailles œuvrant dans plusieurs secteurs d’activités. 

Elle aide les organisations dans le design, l’optimisation et la communication de leur régime d’épargne collectif. Elle travaille à réinventer les approches d’épargne traditionnelles pour mettre la santé financière des employés au cœur des priorités. Elle est également spécialiste et responsable de l’équipe d’investissement durable institutionnel. Elle réfléchit et implante avec ses clients des démarches d’investissement durable permettant de mieux cerner les risques ESG de leur portefeuille, mais surtout, de saisir de nouvelles opportunités au bénéfice des enjeux sociétaux grandissants d’aujourd’hui et de demain.


Valérie Lacroix, MBA, Analyste, Gestion d’actifs et épargne

Valerie Lacroix

Valérie détient un baccalauréat en gestion et un MBA en finances avec projet spécial de fin de maitrise axé sur les stratégies Net Zéro pour les fonds de pension. Elle s’est jointe à l’équipe de Normandin Beaudry en 2021 en tant qu’analyste au sein de l’équipe de gestion d’actifs et a joint l’équipe d’épargne en 2023.

Valérie est membre dédiée de l’équipe d’investissement durable, se spécialisant au niveau des enjeux climatiques et des cadres réglementaires. Elle accompagne certains clients institutionnels dans leur démarche d’investissement durable, participe à la rédaction d’articles éducatifs et contribue aux séances de formation et conférences dispensées par l’équipe.