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La main-d’œuvre dynamique du Canada : des stratégies pour améliorer les résultats en matière de retraite

Par Lilach Frenkel, directrice de l'innovation des produits, régime de retraite CAAT

Les courants et caractéristiques de la main-d’œuvre ont subi d’importantes transformations depuis le milieu du 20e siècle, avec l’émergence d’une main-d’œuvre plus mobile. La mobilité accrue et le nombre d’emplois que les Canadiens occuperont au cours de leur carrière posent des défis en matière de suivi des prestations et des actifs de retraite, ce qui entraîne des pertes potentielles et des prestations inutilisées. Cet article examine l’impact de ces défis et les options flexibles disponibles pour aider les individus à gérer leur épargne-retraite, en mettant l’accent sur la réalisation d’une retraite harmonieuse dans un paysage de main-d’œuvre en évolution.

Tendances en matière de mobilité de la main-d’œuvre

Après la Seconde Guerre mondiale et pendant les années 1950 et 1960, la plupart des travailleurs faisaient toute leur carrière au sein d’une même entreprise ou d’une même organisation. Les licenciements massifs étaient quasiment inexistants (sauf en cas de faillite de l’entreprise) et les mises à pied étaient rares. Au cours de cette période, de nombreuses grandes entreprises au Canada et aux États-Unis ont commencé à proposer à leurs salariés des régimes de retraite, dont le plus courant était le régime à prestations déterminées (PD)1

En raison de la faible rotation du personnel, il était facile pour ces travailleurs de suivre l’évolution de leur pension. Au moment de la retraite, ils savaient combien ils toucheraient par mois et, en général, ils avaient un seul point de contact avec leur ancien employeur pour régler tout problème ou changement (comme un déménagement ou le décès d’un conjoint). 

Toutefois, les bouleversements économiques ont modifié le paysage de l’emploi à la fin des années 1970, dans les années 1980 et dans les années 1990. Les licenciements sont devenus plus fréquents, comme les entreprises rendaient des employés et des postes superflus. Dans le même temps, les progrès technologiques ont conduit à la création de nouvelles industries et de nouveaux rôles. Parallèlement, les attitudes à l’égard de l’emploi, de la satisfaction au travail et de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée ont évolué. En conséquence, une main-d’œuvre plus mobile est devenue la norme.

Selon une étude de Statistique Canada2, les travailleurs occuperont en moyenne un emploi auprès de sept différents employeurs au cours de leur carrière. Les travailleurs canadiens n’ont souvent pas le choix du type de régime de retraite (s’il y en a un) proposé par leur employeur ni du fournisseur. Il peut donc être facile pour un travailleur de perdre de vue l’institution financière qui détient une partie de son argent, surtout si elle a travaillé pour plusieurs employeurs proposant des régimes différents et qu’elle n’a pas transféré ses droits à retraite au moment où elle a changé d’employeur. Au moment de la retraite, il peut être difficile pour ce travailleur de faire le suivi de tous ses comptes de retraite ou de savoir à quel montant s’élève la somme qui leur est due et par quelle institution elle est payable.

Le fait de ne pas tenir compte de l’ensemble de ses prestations et de ses actifs peut avoir des conséquences désastreuses au moment de la retraite. Un rapport récent de l’autorité de réglementation des retraites de l’Ontario, soit l’Autorité de réglementation des services financiers (ARSF), indique qu’environ 200 000 participants aux régimes de retraite de cette province ont perdu la trace de leurs pensions, ce qui représente plus de 3 milliards de dollars de prestations inutilisées3

Un défi mondial

Les Canadiens ne se distinguent pas des autres pays par le nombre d’employeurs qu’ils peuvent connaître au cours de leur carrière. Par conséquent, le défi consistant à s’assurer que tous les avoirs de retraite sont pris en compte est un défi mondial. Examinons quelques-unes des solutions adoptées par d’autres pays pour résoudre ce problème.

Au début des années 2000, l’Australie a modifié sa législation pour permettre la portabilité des droits à retraite, qui permet aux Australiens de transférer leurs droits à retraite vers un fonds de leur choix. L’objectif de ces changements était de permettre aux Australiens de consolider leurs actifs de retraite. L’augmentation des revenus de retraite était au cœur de ce changement, permettant aux Australiens de minimiser les frais grâce à des économies d’échelle et d’éviter les prestations impayées (à l’époque, on estimait à 7 milliards de dollars le montant des prestations impayées en Australie)4.    

Alors que l’Australie a permis aux individus de consolider leurs actifs de retraite, l’Islande a choisi d’aligner les fonds de pension sur les secteurs d’activité afin d’atteindre des objectifs similaires. Le pays tout entier compte aujourd’hui 21 fonds de pension, un chiffre qui a diminué au fil des ans par rapport à la centaine de fonds qui existaient autrefois. La plupart des fonds sont alignés sur certaines professions, certains syndicats ou certaines industries (par exemple, il existe des fonds pour les ouvriers du bâtiment, les dentistes et les agriculteurs), bien que certains soient ouverts à tous. Certaines professions imposent l’affiliation à des fonds particuliers, tandis que d’autres permettent aux participants de s’affilier au fonds de pension de leur choix5. Une fois de plus, le fait de consolider tous (ou la plupart) de ses actifs au sein d’un seul fonds de pension permet de réduire les frais et d’aider les Islandais à faire le suivi de l’ensemble de leurs actifs de retraite. Un portail national des pensions permet également aux participants de suivre l’évolution des fonds sur tous leurs comptes.

Ces portails de retraite sont une autre solution que les pays du monde entier ont adoptée pour aider les participants à faire le suivi de tous leurs actifs de retraite. L’Australie, la Belgique, le Danemark, Israël, les Pays-Bas et la Suède ont tous mis en place des tableaux de bord pour suivre les actifs et les prestations de retraite6.    

Options canadiennes

Le Régime de pension de la Saskatchewan (RPS) est un régime à participation volontaire ouvert à tous les Canadiens. Il se distingue par sa souplesse, permettant aux participants de verser des cotisations quand ils le souhaitent, sans minimum ni maximum (sous réserve des limites fixées par l’Agence du revenu du Canada). Il s’agit d’un régime de retraite immobilisé, ce qui signifie que les participants ne peuvent retirer aucune épargne avant l’âge de 55 ans. Toutefois, le RPS autorise les transferts à partir de placements enregistrés de retraite non immobilisés existants, ce qui peut aider les nouveaux participants à se constituer rapidement une épargne. Le RPS offre également des options de retraite à ses participants lorsqu’ils ont plus de 55 ans.  

Les régimes de retraite interentreprises sont des régimes de retraite auxquels participe plus d’un employeur. Les régimes interentreprises sont courants dans certains secteurs tels que la construction, les maisons de repos et de retraite et le commerce de détail, qui comptent souvent des employeurs de petite taille et une main-d’œuvre très mobile. En outre, certains régimes de retraite interentreprises sont ouverts à plusieurs secteurs d’activité.  

De tels exemples, comme les régimes internationaux mentionnés ci-dessus, peuvent tirer parti d’économies d’échelle pour réduire les frais et réaliser des gains d’efficacité. En outre, le risque de perdre ses droits à retraite est minimisé lorsque les actifs et les prestations de retraite sont combinés tout au long de la carrière. En fin de compte, ces facteurs peuvent avoir une influence positive sur les perspectives de retraite des participants.   

Un système inclusif

Un système qui permet aux Canadiens de conserver leurs prestations et leurs actifs de retraite d’une manière combinée favorise un système de retraite inclusif et aide à soutenir des populations diversifiées. Les personnes à faible revenu et marginalisées sont souvent susceptibles de disposer de prestations de retraite moins élevées et/ou des actifs de retraite inférieurs à un certain seuil qui doivent être versés en espèces, perdant ainsi l’avantage de la mise à l’abri de l’impôt.  

Aux États-Unis, un réseau de services de portabilité a été mis en place afin d’adopter la portabilité automatique, c’est-à-dire le transfert automatique des comptes de retraite à faible solde lorsque les travailleurs changent d’employeur. La transférabilité automatique aide les travailleurs sous-desservis et dépourvus d’épargne, en particulier les minorités, les femmes et les travailleurs à faibles revenus, à améliorer leur situation de retraite7

Des structures de retraite innovantes pour une main-d’œuvre dynamique

Au fil des ans, nous avons assisté à une évolution des structures de la main-d’œuvre et de la durée du travail. Les nouvelles tendances continuent de se développer dans une économie de pigistes et de petits boulots de plus en plus importante. Ces tendances posent des défis en ce qui concerne la préparation des Canadiens à la retraite. Toutefois, ces défis sont également porteurs d’opportunités. Alors que les structures de retraite continuent d’évoluer pour soutenir la main-d’œuvre dynamique du Canada, nous avons l’occasion de proposer des solutions novatrices axées sur les résultats en matière de retraite. La mise en place de divers systèmes qui aident les Canadiens à gérer l’ensemble de leurs prestations et leurs actifs de retraite contribuera à relever l’un des nombreux défis auxquels les Canadiens sont confrontés lorsqu’ils se préparent à la retraite.



1 https://workforce.com/news/the-history-of-retirement-benefits

2 Le Quotidien — Étude : Les antécédents professionnels des travailleurs canadiens examinés sur une période de 30 ans (statcan.gc.ca)

3 https://www.investmentexecutive.com/news/from-the-regulators/fsra-pegs-stranded-pension-plans-at-more-than-3-billion/

4 Portability of Superannuation Benefits - Making of Regulations | Treasury Ministers

5 Iceland Tiny But Great Collective DC Plan

6 ACPM Décaissement 2.0

7 Home - The Portability Services Network, LLC (psn1.com)  

Lilach Frenkel, directrice de l'innovation des produits, régime de retraite CAAT

Lilach est une actuaire chevronnée qui possède plus de 20 ans d'expérience dans le secteur des pensions. Elle travaille avec diverses parties prenantes pour gérer et atteindre les objectifs en matière de risque par le biais de la stratégie et de l'innovation.

Au sein de l'équipe de gestion stratégique des risques du régime de retraite du CAAT, elle développe des produits et des initiatives qui ouvrent de nouvelles perspectives stratégiques et des techniques d'atténuation des risques pour le régime.  

Avant de rejoindre le CAAT, Lilach était partenaire chez Aon, où elle fournissait des conseils stratégiques aux promoteurs de régimes, aux conseils d'administration et aux comités de retraite sur des initiatives liées à la conception des régimes, à la réforme des politiques, au financement et à la comptabilité des régimes de retraite. 

Elle donne souvent des conférences et écrit sur la gestion des risques et les stratégies de décumulation des promoteurs de régimes, ainsi que sur l'engagement des participants en tant que moyen d'obtenir les meilleurs résultats.

Lilach a participé bénévolement à de nombreux comités de l'Institut canadien des actuaires et de l'Autorité de réglementation des services financiers de l'Ontario.  

Lilach est Fellow de l'Institut canadien des actuaires (FICA) et Fellow de la Society of Actuaries (FSA). Elle est titulaire d'un diplôme en sciences actuarielles de l'Université de Toronto.