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La littératie financière est importante pour la préparation de la retraite

Par David Boiclair et Colin Busby, M.A., directeur de la politique et de la sensibilisation, HEC 

Une bonne préparation à la retraite nécessite une bonne compréhension des principes financiers généraux ainsi que du fonctionnement du système canadien d'épargne et de revenu de retraite. La recherche universitaire a établi dans plusieurs pays une relation démontrant l'importance de la culture financière générale et du niveau de préparation à la retraite des citoyens.

Le manque de connaissances financières a de graves conséquences pour les individus, les institutions et les décideurs politiques. Les personnes financièrement informées sont moins susceptibles d'avoir des dettes de carte de crédit, de mieux gérer leurs emprunts et d'éviter des erreurs majeures et potentiellement ruineuses. Des décisions non ou mal informées en matière d'épargne peuvent conduire à de mauvais retours sur investissement. En outre, des données internationales montrent que certains aspects de la culture financière peuvent être concentrés dans certains sous-groupes de la population.

Bien qu'il y ait eu de nombreuses tentatives pour mesurer le degré de préparation des Canadiens à la retraite, il n'y avait pas, avant 2019, de moyen systématique de mesurer le niveau de connaissance des Canadiens en ce qui concerne leur système de revenu de retraite.

L’indice de l'Institut de la retraite et l'épargne (IRE)

En 2022, la quatrième édition de l'indice IRE annuel a sollicité les réponses de plus de 3 000 Canadiens âgés de 35 à 54 ans à des questions concernant la littératie financière générale et les programmes de retraite canadiens. En principe, ces personnes sont à un stade de leur carrière où elles devraient mettre de côté une part importante de leur revenu pour l'épargne-retraite. Nous ciblons ce groupe parce que les personnes âgées de 55 ans et plus devraient connaître le système de revenu de retraite de beaucoup plus près, et que les personnes âgées de moins de 35 ans ont tendance à se préoccuper principalement d'épargner pour le versement initial d'une maison ou pour les coûts de l'éducation postsecondaire.

L'indice IRE pose 29 questions relatives à la connaissance des principes financiers généraux, des options d'épargne à l'abri de l'impôt (REER et CELI), des régimes d'employeurs, du Régime de pensions du Canada et du Régime de rentes du Québec (RPC/RRQ), et des programmes de la Sécurité de la vieillesse (SV) et du Supplément de revenu garanti (SRG).

Résultats inquiétants concernant la littératie financière des Canadiens

Cette édition de l'indice a enregistré un score correct moyen de 35,7 % sur l'ensemble des questions, ce qui n'est pas très différent des années précédentes. Le niveau de culture financière générale est assez faible, bien que comparable à ce que l'on observe dans d'autres pays industrialisés. Les scores s'améliorent de manière significative entre les tranches d’âge de 35-39 et 50-54 ans (de 30,9 % à 39,9 %), ainsi qu'avec l'augmentation du niveau d'éducation et de revenu.

En termes de produits financiers généraux, les prêts hypothécaires sont bien compris par les Canadiens. Compte tenu du taux élevé d'accession à la propriété au Canada, cela n'est pas très surprenant. Néanmoins, aucun autre produit ou principe financier n'est aussi bien compris par les Canadiens que les prêts hypothécaires. Les concepts connexes d'intérêts composés et d'inflation sont également assez bien compris.

En ce qui concerne les CELI et les REER, la connaissance qu'ont la plupart des Canadiens de leurs caractéristiques respectives n'est pas encourageante. Dans la plupart des cas, nos résultats montrent que la majorité devine fondamentalement quelles sont les caractéristiques de chaque véhicule (par exemple, la déductibilité fiscale des cotisations). Cela soulève la question de savoir si les cotisations au CELI sont pleinement utilisées par ceux qui en bénéficieraient le plus. En outre, les Canadiens ne comprennent pas très bien les régimes de retraite des employeurs, même si ceux qui en bénéficient les connaissent mieux.

Bien que les répondants connaissent relativement mieux les caractéristiques du RPC/RRQ, il convient de noter que moins d'un quart d'entre eux savent qu'il est possible de travailler tout en percevant des prestations du RPC/RRQ. Étant donné que cette disposition a été introduite il y a une dizaine d'années afin d'améliorer les possibilités pour les Canadiens de rester dans la population active, cette situation a des implications inquiétantes.

Enfin, la myriade d'implications fiscales et de récupération des prestations de la SV/SIG semble créer une certaine confusion chez la plupart des épargnants canadiens.

Autres défis et implications en matière de littératie

L'un des principaux défis auxquels sont confrontés les Canadiens qui approchent de l'âge de la retraite est de savoir comment gérer les risques de longévité – et le risque d'épuiser son épargne privée. Malgré les meilleures informations dont disposent les individus concernant leurs risques de santé, il est courant d'estimer de manière incorrecte la durée de vie probable, en partie parce que les gains d'espérance de vie moyenne sont distribués de manière très inégale. Cela peut avoir des conséquences importantes, notamment lorsqu'il s'agit de déterminer comment puiser dans son épargne privée ou dans la pension de son employeur et quand souscrire à une pension publique.

Nombreux sont ceux qui retirent leur pension publique trop tôt. Bien qu'il soit possible de demander une pension du RPC/RRQ entre 60 et 70 ans (en janvier 2024, il sera possible de demander le RRQ jusqu'à 72 ans), une grande partie des Canadiens retirent leur pension plus tôt que plus tard. En 2021, la proportion de la population commençant à recevoir des prestations du RPC à l'âge de 60 ans était d'environ 25 % pour les femmes et 23 % pour les hommes, alors qu'elle était d'environ un tiers quelques années auparavant. Cela va peut-être à l'encontre de leur intérêt financier, car des études ont montré que la majorité des Canadiens auraient intérêt à retarder le retrait de leur pension pour avoir accès à une prestation plus élevée et protégée contre l'inflation. Le rôle des régimes d'employeurs dans la résolution de ce problème est relativement peu exploré d'un point de vue académique.

Un système canadien de revenu de retraite complet mais complexe

Il y a de nombreuses raisons d'être confiant dans l'état actuel du système de revenu de retraite à plusieurs piliers du Canada. Les prestations de la SV et du SRG, versées par le gouvernement fédéral, sont financièrement viables et semblent expliquer en grande partie pourquoi les taux de pauvreté des personnes âgées au Canada sont parmi les plus bas des pays de l'OCDE. Le RPC/RRQ fait également l'envie de nombreux pays occidentaux sur le plan financier, car il constitue une base fiable pour les revenus de retraite. De plus, le RPC/RRQ est en expansion et continuera de l'être jusqu'en 2025. En outre, la richesse et l'épargne privées ont augmenté au cours des dernières décennies, ce qui devrait aider de nombreux ménages à se préparer à une retraite financièrement saine.

Toutefois, pour profiter pleinement du système de revenu de retraite du Canada, la plupart des individus ont besoin à la fois d'une base appropriée de connaissances financières et d'une compréhension approfondie des nombreux instruments d'épargne et des options de prestations de notre système à plusieurs piliers. Les récents ajustements apportés aux programmes d'épargne publics et privés – tels que la possibilité de travailler et de percevoir des prestations du RPC/RRQ sans avoir à cotiser, ainsi que l'introduction du CELI en 2009 – devraient en général améliorer la vie des épargnants canadiens. Toutefois, ce n'est pas nécessairement le cas pour tous les groupes de Canadiens, et il est possible que la complexité de notre système de revenu de retraite augmente le risque que les Canadiens prennent des décisions qui ne sont pas, d'un point de vue financier, dans leur meilleur intérêt.

Besoin continu de mettre l'accent sur la littératie financière

Comme le montre l'indice IRE, il est tout à fait possible d'améliorer les connaissances financières générales des Canadiens et de communiquer sur la complexité des programmes de notre système à plusieurs piliers. Les questions relatives aux connaissances financières de base relèvent généralement de la responsabilité des systèmes éducatifs, qui sont principalement du ressort des provinces. La recherche a toutefois démontré depuis longtemps l'importance d'une transmission en temps utile des connaissances pertinentes ; à ce titre, la responsabilité d'une meilleure compréhension du système canadien de revenu de retraite incombe à diverses organisations, notamment les ministères et organismes fédéraux et provinciaux, les partenaires communautaires, les planificateurs financiers et les gestionnaires de fonds de pension. L'amélioration des deux aspects de la littératie financière constituera un défi et ne sera peut-être pas nécessaire pour tous les Canadiens, mais des progrès mesurables pourraient faire une différence significative pour beaucoup d'entre eux.



David Boisclair et Colin Busby, M.A., directeur de la politique et de la sensibilisation, HEC

Colin Busby est directeur des politiques et de la sensibilisation à l'Institut de l'épargne-retraite de HEC Montréal. 

David Boisclair est directeur exécutif de l'Institut de l'épargne-retraite.