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Investissements ESG : Méfiez-vous du chant des sirènes

Par Maggie Childe, vice-présidente, chef de l'investisement durable, iA Gestion de placements

Les attentes du public investisseur canadien augmentent de plus en plus quant à la possibilité d’avoir accès à un éventail de solutions d'investissement ESG. Dans ce contexte, l'intégration de critères sociaux, environnementaux et de gouvernance (ESG) dans les solutions offertes par les promoteurs de régimes collectifs d'épargne-retraite nécessite de tenir compte de plusieurs considérations importantes. 

Dans une stratégie d’investissement responsable, il n'est pas simple de fixer des objectifs, de les respecter et de rendre compte de la manière dont ils sont atteints. C’est qu’il n'existe pas de normes applicables à l'ensemble de l’industrie quant à la définition d’un fonds ESG. Les investisseurs peuvent également avoir des attentes différentes quant à ces produits, tandis que les objectifs de placement peuvent mettre des années à être atteints.  

Il est ainsi difficile pour les investisseurs de déterminer dans quelle mesure les critères ESG, tels qu’ils les conçoivent, sont intégrés dans la stratégie d’investissement. Cela ouvre la porte à l’émergence de placements donnant l'impression d'être ce qu'ils ne sont pas. 

D'où les enjeux d'écoblanchiment.

L’étiquetage problématique 

En l’absence d’une méthodologie uniforme pour déterminer ce qu'est une cible et comment l’atteindre, il est facile de passer à côté, surtout lorsque les indicateurs servant à mesurer les progrès accomplis, et les manières de rendre compte de ces progrès, ne sont pas clairement définis. 

Par exemple, le manque de données précises sur la gestion des enjeux climatiques rend difficile l’évaluation des risques matériels que la transition climatique fait peser sur une solution d'investissement. Il est donc ardu de prendre des décisions éclairées, appuyées par des données probantes. Divers rapports sur l’état du marché canadien publiés dans les deux dernières années soulignent le même problème : les données ESG au Canada – et ailleurs dans le monde — sont souvent de piètre qualité. Cela mine la possibilité de comparer les solutions d’investissement entre elles en termes d’intégration et d’implantation des critères ESG.  

Il y a plus : les attentes des régulateurs s'adaptent et évoluent, de sorte qu'il devient difficile de déterminer si l’investissement ESG n'est qu'un simple exercice visant à cocher des cases. Le fait est qu’il s'agit d'un processus évolutif que beaucoup considèrent davantage comme un art que comme une science. Sans compter que la réglementation basée sur les principes, proposée pour l’investissement ESG, n’est jamais simple à respecter, puisqu’elle permet un large éventail d'interprétations.  

Les régulateurs de plusieurs juridictions, tant en Europe qu'en Amérique du Nord, s'attaquent à ce problème, mais les normes de conformité varient encore considérablement. 

Alors que les gestionnaires institutionnels utilisent de plus en plus les critères ESG comme outil de gestion du risque et pour générer de la valeur, les promoteurs de régimes qui envisagent l’investissement ESG ont besoin d'une liste de critères pour évaluer les produits en fonction de leurs besoins et de leurs attentes.

Une évaluation diligente de la divulgation 

Si les sociétés cotées en bourse dévoilent davantage d'information, les investisseurs et les promoteurs de régimes doivent néanmoins se doter des bons outils pour offrir des solutions qui correspondent aux valeurs fondamentales et aux priorités des participants et participantes aux régimes. Conjuguer ces deux impératifs constitue un enjeu fiduciaire important pour les régimes d'épargne-retraite au Canada. 

Le manque de cohérence dans la collecte des données relatives aux émissions de gaz à effet de serre, par exemple, constitue un obstacle à l'évaluation correcte des progrès réalisés par les entreprises. Cela est d’autant plus vrai que plusieurs d'entre elles se sont engagées à réduire à zéro leurs émissions nettes. Il devient donc nécessaire de discuter davantage de la manière dont les entités gèrent les risques et les occasions issus des questions environnementales, sociales et de gouvernance. En clair, les promoteurs doivent se pencher sur la façon dont leurs gestionnaires d'actifs traitent de ces questions. 

Pour identifier ceux parmi les investissements qualifiés d’ESG qui en sont vraiment, les promoteurs ont besoin de listes de critères et de grilles d’évaluation pour les aider à déterminer si les objectifs proposés leur conviennent. Qu'il s'agisse de réduire les risques matériels, d’investir en accord avec la philosophie de l'organisation ou de répondre à un impératif moral, personne ne souhaite découvrir que les pratiques de gestion ne sont pas à la hauteur de ce à quoi les promoteurs de régimes, les participants et les participantes s’attendaient.

Pour les promoteurs qui ont peu d'expérience ou de ressources, solliciter une expertise peut être utile pour naviguer les écueils de l'investissement ESG. Il peut s'agir de travailler avec une équipe de gestionnaires d'actifs spécialisée dans de telles stratégies ou de consulter une personne tierce dont l’expertise est d’encadrer la sélection d'investissements respectueux des critères ESG.

Au-delà des apparences 

Avant de sélectionner un produit, les promoteurs doivent évaluer l’historique ESG des prestataires de services potentiels, en plus d’identifier les personnes et les équipes chargées de veiller à l’implantation des politiques ESG. 

On peut également demander comment la stratégie de gestion intègre les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance dans son processus de sélection des titres avant d’y investir. La politique de vote par procuration du gestionnaire d'actifs et les résultats des votes effectués dans le passé peuvent constituer un bon indicateur de cette intégration. Une intégration sérieuse et une mise en œuvre adéquate de stratégies ESG se manifestent dans la gestion des investissements, et ce, peu importe qu'il s'agisse de gestion active ou passive. 

Quant à identifier d’éventuelles situations d’écoblanchiment, il faut examiner les décisions d'investissement et voir comment elles se prennent, et sur quels outils elles s'appuient. Il est essentiel d'évaluer l'ensemble de la situation avant d'investir; il arrive en effet que les gestionnaires analysent la performance ESG globale de chaque titre, mais accordent plus d'importance à un critère plutôt qu’à un autre. Un titre peut donc être choisi parce qu’il affiche de bons résultats pour certains critères, tout en ayant une mauvaise performance pour d'autres.

En gardant ces questions à l'esprit, les promoteurs de régimes au Canada devraient pouvoir se retrouver plus facilement dans le paysage complexe de l'investissement ESG et éviter les écueils de l'écoblanchiment.



Maggie Childe, vice-présidente, chef de l'investisement durable, iA Gestion de placements 

Maggie Child FR

Maggie Childe est responsable de l'avancement de la stratégie d'investissement durable et de la capacité organisationnelle de l'équipe iAIM par le biais du leadership et de la collaboration. 

En 2021, Maggie a été l'un des 50 lauréats du prix Clean50, qui récompense les leaders canadiens du développement durable pour leur contribution exceptionnelle à l'avancement du développement durable.

Après avoir occupée diverses fonctions dans le domaine de l'investissement durable au sein de grandes sociétés d'investissement canadiennes, et avoir acquis de l'expérience auprès d'organisations telles que Save the Children et l'UNESCO, elle a récemment été nommée vice-présidente, responsable de l'investissement durable à l'iAIM. 

Elle est considérée comme l'une des principales voix du Canada en matière d'investissement durable.