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Désinvestissement responsable 2.0?

Par Jenny Banks, directrice, Conseils en investissement responsable, Jamie Bonham, chef de la gérance et Adelaide Chiu, chef de l’investissement responsable, Placements NEI

Au moment de la rédaction de cet article, les lignes directrices1 mises à jour de l’Association canadienne des organismes de contrôle des régimes de retraite (ACOCRR) sur la gestion des risques devaient être finalisées au premier trimestre de 2024. L’ébauche des lignes directrices exige que les régimes de retraite canadiens évaluent si les données environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) peuvent être pertinentes pour le rendement des placements des fonds et qu’ils prennent les mesures appropriées en fonction de cette détermination. Étant donné que la nature des obligations au titre des prestations de retraite est habituellement à long terme, la prise en compte de renseignements importants liés à la durabilité, y compris les risques climatiques, serait pertinente pour le rendement des placements à long terme et devrait être prise en compte dans la gestion de la longue durée des actifs de retraite des participants. 

En février, on a également été témoin d’un événement important au Royaume-Uni, avec la publication du document du Financial Markets Law Committee (FMLC) sur les fiduciaires des caisses de retraite et les obligations fiduciaires. Ce document examine les incertitudes juridiques entourant l’inclusion de la durabilité et des changements climatiques dans les décisions prises en tant que fiduciaires de caisses de retraite ayant des obligations fiduciaires et conclut que la gérance d’un placement une fois effectué peut être importante pour atteindre (…) l’équilibre entre le risque financier et le rendement2 [traduction libre]. 

La question clé est donc la suivante : à quoi devrait ressembler un programme de gérance approprié pour les promoteurs et les administrateurs de régimes de retraite? Dans le cadre de l’élaboration de ce programme, il est utile de tenir compte des forces relatives des stratégies de désinvestissement et d’engagement auprès des sociétés en tant que mécanismes visant à harmoniser le rendement à long terme avec les obligations au titre des prestations de retraite.

Le désinvestissement a toujours été un élément important de l’approche de NEI lorsqu’il s’agit d’investir de façon responsable à titre d’outil pour éviter de prendre des risques excédentaires dans les portefeuilles. Qu’il y ait des risques importants liés à la durabilité ou des risques financiers qui ne peuvent être atténués, les investisseurs peuvent avoir recours au désinvestissement pour protéger la valeur de leur portefeuille en éliminant les risques qui ne sont pas adéquatement rémunérés par le marché.

On peut trouver un exemple dans les placements dans les combustibles fossiles. Il est légitime pour les investisseurs de considérer l’incertitude à laquelle cette industrie fait face dans une économie à faibles émissions de carbone comme un risque d’affaires important pour les sociétés exposées à ce secteur. Si une société n’est pas en mesure de montrer comment elle s’alignera sur une trajectoire vers la carboneutralité et générera des flux de trésorerie futurs durables, un investisseur réfractaire au risque qui a un horizon de placement à long terme pourrait fort bien envisager le désinvestissement, car le coût du capital reste incertain. 

Toutefois, les avantages du désinvestissement pour les investisseurs à long terme sont limités. Le retrait d’une société du portefeuille n’a pas d’incidence sur la demande de détention de sociétés des autres investisseurs. En fait, en réduisant la voix des investisseurs « responsables », une société pourrait se concentrer davantage sur le comportement de recherche de bénéfices à court terme qui peut mener à des pratiques et à des résultats indésirables en premier lieu. La réduction des émissions de carbone dans le monde réel nécessite l’engagement de tous les participants d’un secteur; les investisseurs qui désinvestissent leur placement perdent leur capacité d’influencer les pratiques commerciales ou l’affectation des capitaux par les sociétés (par exemple, dans les actifs de transition ou le perfectionnement des employés). De plus, un programme de désinvestissement généralisé peut signifier que les leaders sont traités de la même façon que les suiveurs, ce qui, à tout le moins, mine la motivation d’une société à être un chef de file. Il est important que les chefs de file incitent l’industrie à agir. 

NEI fait valoir depuis longtemps les avantages de l’engagement actif par l’exercice des droits des actionnaires (dialogue avec les entreprises et vote par procuration) pour influencer le changement stratégique au sein des sociétés. Cette stratégie peut être plus efficace pour protéger la valeur pour les actionnaires et se conformer aux obligations fiduciaires dans les cas où les risques liés à la durabilité peuvent être atténués. Le fait de tirer parti des droits des actionnaires permet de conserver une place à la table et signifie que les sociétés sont plus susceptibles d’écouter et de changer leurs activités. 

En informant les sociétés des risques environnementaux, sociaux et de gouvernance auxquels elles sont confrontées, et en influençant leurs décisions dans un esprit de collaboration, on peut améliorer concrètement leur rendement afin d’atteindre une durabilité à long terme, ce qui comprend des résultats de placement positifs pour les actionnaires. Ce processus peut être long; les changements ne se produisent pas du jour au lendemain, et il faut parfois plusieurs années pour obtenir les résultats souhaités. 

Les investisseurs canadiens ont généralement été parmi les premiers à adopter l’engagement comme outil de changement privilégié. Plus récemment, le public a accordé une plus grande importance à l’engagement et, par conséquent, nous constatons que les dialogues avec les entreprises sont de plus en plus complexes. Dans le cas de régimes de retraite canadiens plus petits, l’engagement est souvent confié à des gestionnaires de fonds externes qui disposent d’importants fonds pour exercer leur influence auprès des conseils d’administration et de ressources spécialisées axées sur les questions de durabilité. En revanche, les régimes plus grands ont souvent une exposition supplémentaire au moyen de placements directs et peuvent disposer de plus de ressources pour mobiliser les sociétés directement. 

Pour ce qui est de l’efficacité de cette approche, il reste difficile de démontrer l’incidence de cette approche qualitative et nuancée sur le monde des placements quantitatifs. Toutefois, ce serait une erreur de confondre perfection et progrès. Si nous pouvons entamer un dialogue avec une société qui n’a pas encore déterminé ses risques importants liés au climat, afin qu’elle reconnaisse les risques futurs pour son modèle d’affaires et d’exploitation, il s’agit d’une réalisation importante. Les progrès ne sont peut-être pas visibles tous les trimestres dans les indicateurs de rendement clés, mais ils se sont néanmoins concrétisés. 

Un exemple de ce changement en action est l’utilisation de cibles de carboneutralité. Il y a beaucoup de cynisme quant à savoir si les cibles de carboneutralité des entreprises sont réalistes, réalisables et capables d’orienter la société dans son ensemble vers des cibles de décarbonisation plus larges. Ces préoccupations sont justifiées et nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir pour limiter les pires conséquences climatiques auxquelles nous sommes actuellement confrontés. Cependant, en prenant un peu de recul, nous pouvons aussi voir jusqu’où nous sommes allés grâce à la perspective. Il y a à peine 10 ans, nous n’avions même pas la conversation sur la carboneutralité, encore moins avec les chefs de la direction ou d’autres investisseurs. Maintenant, les sujets abordés comprennent l’harmonisation des dépenses en immobilisations avec les cibles de réduction des émissions et l’inclusion des risques climatiques dans les missions de certification.

Aujourd’hui, le secteur des placements étant largement convaincu de la valeur de la durabilité et de l’engagement comme processus de gouvernance de base, nous faisons face à un nouvel ensemble de défis. Le mouvement anti-ESG, qui a été exacerbé par une période de polarisation politique exceptionnelle, en est le plus important. Le comportement passé des investisseurs, qui ont appliqué des politiques de désinvestissement strictes à certains secteurs, est devenu une réalité autoréalisatrice où le dialogue fructueux avec certaines sociétés peut être plus difficile aujourd’hui. Cela comprend certains membres du secteur des combustibles fossiles, un secteur dont toute notre économie dépend et continuera de le faire dans un avenir prévisible. Trouver un moyen de travailler avec ces sociétés pour passer à des placements durables demeure d’une importance capitale pour nos objectifs en tant qu’investisseurs.

Un événement inquiétant s’est produit au début de l’année. Les investisseurs activistes Follow This et Arjuna Capital ont présenté à ExxonMobil une proposition d’actionnaires demandant la divulgation des émissions de gaz à effet de serre de l’entreprise et de ses plans pour les réduire. En réponse, Exxon a intenté une poursuite contre les actionnaires pour bloquer la proposition. Au moment d’écrire ces lignes, Exxon avait réussi à obliger les investisseurs à retirer la proposition, mais elle maintenait son action en justice. 

Peu importe les intentions d’Exxon, cette mesure sans précédent pourrait réduire les futurs débats des actionnaires sur les questions de désaccord. Qu’elle soit fructueuse ou non, l’affaire pourrait avoir un effet dissuasif sur les actionnaires minoritaires qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour se défendre des grands conglomérats. Par conséquent, cette affaire a de fortes répercussions sur les actionnaires diversifiés, comme les caisses de retraite, qui ont un mandat à plus long terme pour s’acquitter de leurs obligations au titre des prestations de retraite et qui dépendent de la santé soutenue des systèmes communs sur lesquels repose notre économie.  

La question est de savoir s’il est trop tard. Nous ne le croyons pas. Malgré le bruit causé par le mouvement anti-ESG et les cas plus troublants comme celui d’Exxon, la plupart des sociétés continuent de s’engager et peu d’investisseurs ont cessé d’intégrer les facteurs de durabilité dans leurs pratiques, même s’ils se retirent peut-être des collaborations et des déclarations publiques. Le moment semble bien choisi pour adopter une approche constructive et respectueuse au dialogue et chercher à s’engager dès le premier instant. 

Un engagement constructif est essentiel pour soutenir la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, ce qui comprend la recherche de solutions pour réduire les émissions mondiales et assurer une transition juste. La complexité et l’ampleur du défi du monde réel ne doivent pas être sous-estimées; il ne suffit pas qu’une seule société réduise ses émissions. Une stratégie d’engagement efficace doit être élaborée au fil du temps afin d’établir un lien de confiance avec les sociétés de tous les secteurs et de maximiser l’influence des investisseurs. Les antécédents dans ce domaine comptent.

Toutefois, en l’absence d’un engagement important, le fiduciaire prudent pourrait être forcé de reconsidérer le désinvestissement afin de gérer les risques de placement. Les fiduciaires, les promoteurs et les administrateurs qui cherchent à s’acquitter de leurs fonctions devront de plus en plus réfléchir aux approches que leurs gestionnaires d’actifs adoptent en matière de gérance au nom de leurs membres. Ces gestionnaires doivent avoir de solides processus de placement et, dans les cas où l’engagement auprès des sociétés échoue, être prêts à prendre des mesures décisives.



1 NEI a formulé des commentaires sur les lignes directrices de l’ACOCRR au cours de la phase de consultation de 2023.

2 Pension Fund Trustees and Fiduciary Duties: Decision-making in the context of Sustainability and the subject of Climate Change, 6 février 2024, Financial Markets Law Committee.


Le présent document est fourni à des fins éducatives et d’information uniquement et ne vise pas à apporter précisément, sans s’y limiter, des conseils financiers, fiscaux, de placement ou de toute autre nature. Les opinions exprimées aux présentes peuvent changer sans préavis, les marchés évoluant au fil du temps. Les renseignements contenus dans le présent document sont jugés fiables, mais NEI ne garantit pas leur exhaustivité ni leur exactitude. Les opinions exprimées à l’égard d’un titre, d’un secteur ou d’un marché en particulier ne doivent pas être interprétées comme une intention de réaliser des transactions concernant un fonds géré par Placements NEI. Les énoncés prospectifs ne garantissent pas le rendement futur, et les risques et les incertitudes font souvent en sorte que les résultats réels diffèrent considérablement des renseignements ou des attentes prospectifs. Ne vous fiez pas indûment aux renseignements prospectifs.

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Placements NEI est une marque déposée de Placements NordOuest & Éthiques S.E.C. (« NEI S.E.C. »). Placements NordOuest & Éthiques inc. est le commandité de NEI S.E.C. et une filiale en propriété exclusive de Patrimoine Aviso inc. (« Aviso »). Aviso est le seul commanditaire de NEI S.E.C. Aviso est une filiale en propriété exclusive de Patrimoine Aviso S.E.C., détenue à 50 % par Desjardins Holding financier inc. et à 50 % par une société en commandite appartenant aux cinq centrales de caisses de crédit provinciales et au Groupe CUMIS limitée.

Jenny Banks, directrice, Conseils en investissement responsable 

Jenny Banks, directrice des conseils en investissement responsable, est entrée au service de Placements NEI en 2023 à titre de spécialiste des produits représentant l’équipe d’investissement responsable. Auparavant, elle a travaillé comme consultante auprès des communautés des Premières Nations dans l’ouest du Canada. Jusqu’en 2020, Mme Banks a travaillé dans le domaine des services financiers à Londres, au Royaume-Uni, où elle a occupé diverses fonctions auprès de Wellington Management, de Santander Asset Management (R.-U.) et de KPMG UK.

Jamie Bonham, chef de la gérance

Jamie Bonham dirige le programme de gérance de Placements NEI et compte plus de 20 ans d’expérience en mobilisation des sociétés sur les questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG). Il est reconnu à l’échelle du secteur pour sa vaste expérience en matière d’engagement et participe à de nombreuses initiatives de groupes d’investisseurs au nom de NEI. M. Bonham est actuellement membre du conseil d’administration de l’Initiative for Responsible Mining Assurance (IRMA). 

Adelaide Chiu, chef de l’investissement responsable 

Adelaide Chiu est entrée au service de Placements NEI en 2022 à titre de chef de l’investissement responsable. Gestionnaire de portefeuille inscrite, elle cumule plus de 24 ans d’expérience en investissement responsable et en gestion de placements. Mme Chiu a auparavant occupé des postes de gestion de portefeuille pour le Régime de retraite des employés municipaux de l’Ontario et à Placements Mackenzie. Elle a également travaillé dans les services bancaires d’investissement de BMO Nesbitt Burns, et à PwC. Mme Chiu est membre du conseil d’administration du Conseil canadien des normes d’information sur la durabilité et de l’Association pour l’investissement responsable.