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« La plus grande destruction intentionnelle de revenus jamais réalisée » : Poloz

Stephen Poloz, ancien gouverneur de la Banque du Canada, explique comment il envisage l’évolution des politiques commerciales américaines et pourquoi les promoteurs de régimes devront adapter leurs stratégies actuelles de gestion des risques

Stephen Poloz, ancien gouverneur de la Banque du Canada, considère le paysage économique actuel comme un « réalignement mondial sismique »
« Évidemment, le thème du jour est que le monde a changé. Il a changé au cours des six derniers mois et, bien entendu, ce n’est pas pour le mieux. Je ne crois pas qu’on puisse avoir confiance en l’avenir présentement. Nous ne devrions pas prétendre le contraire », a-t-il déclaré, ajoutant que « ce sera la plus grande destruction intentionnelle de revenus jamais réalisée », estimant les pertes à plus de 40 000 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie si les politiques commerciales américaines actuelles sont maintenues.
« Les affaires étaient autrefois une question purement économique, mais je pense qu’aujourd’hui il s’agit davantage d’une question économique et géopolitique », a affirmé M. Poloz, citant la « géoéconomie » de Gillian Tett, journaliste au Financial Times.
Pour M. Poloz, le bouleversement n’est pas le fait d’un politicien ou d’une politique, mais il est plutôt « vraiment économique », l’histoire démontrant que les cycles de polarisation, de protectionnisme et de crises financières se répètent.
Pendant son intervention au congrès annuel de l’ACARR la semaine dernière à Halifax, M. Poloz a souligné que chacune des trois dernières révolutions industrielles — la machine à vapeur, l’électricité et l’Internet — a produit non seulement des gains de productivité, mais aussi des bulles spéculatives, des krachs et des inégalités croissantes.
Il estime que la quatrième révolution industrielle, menée par la numérisation et l’intelligence artificielle, suivra le même schéma.
Alors que des politiques correctives comme l’impôt sur le revenu ou le renforcement des syndicats ont éventuellement été adoptées au cours des époques précédentes, aucun redressement de ce type n’a encore été effectué dans le sillage de la troisième révolution. M. Poloz a toutefois précisé que, même si son explication des événements actuels n’est pas la seule, il s’agit d’un scénario qui mérite une attention particulière.
« Il est inutile de continuer à débattre de la politique commerciale avec l’administration américaine, en essayant de convaincre l’équipe Trump qu’elle est sur une trajectoire d’automutilation », a souligné M. Poloz, en insistant sur le fait que le Canada et les autres pays doivent accepter la réalité du nouveau contexte et s’adapter.
Par conséquent, les promoteurs de régimes devront adapter leur approche de la gestion des risques, car ils doivent être en mesure de rebondir rapidement lorsque les conditions changent et de tourner l’incertitude à leur avantage, a déclaré M. Poloz.
Pour lui, les entreprises qui réussiront sont celles qui ne craignent pas le risque, mais le gèrent activement et le convertissent même en rendement pour les actionnaires. Cette capacité, a-t-il suggéré, devient un avantage concurrentiel. M. Poloz a ajouté que les investisseurs devraient rechercher des preuves de ce type de résilience.
« Le risque sera plus élevé dans un avenir prévisible. Nous devons être prêts à le gérer et à en tirer profit », a-t-il déclaré. « Autrement dit, la gestion des risques ne doit plus être pratiquée qu’une fois par trimestre, mais au quotidien. »
Pour le Canada et les régimes de retraite les plus importants, cette évolution ne peut être profitable que si le pays renforce son climat d’investissement et réduit ses allocations aux États-Unis.
« Le plus important qui puisse arriver ici est que le nouveau gouvernement soit capable de rétablir un sentiment de confiance dans notre contexte d’investissement. Je pense que les investisseurs sont prêts à investir au Canada, mais ils veulent avoir l’assurance que les règles du jeu ne changeront pas », a déclaré M. Poloz.
Tout en reconnaissant que l’avenir est incertain, il voit des raisons d’être optimiste.
« Je suis néanmoins encouragé par ce que j’entends, et je pense qu’aujourd’hui, nous avons plus de chances de les attirer que nous n’en avons eu depuis longtemps », a-t-il ajouté, soulignant que le Canada dispose d’une liste de projets potentiels prêts à être mis en œuvre et d’autres en cours de discussion.
Même si une partie seulement de ces idées progressent, l’élan pourrait être significatif. Il a toutefois précisé que le succès repose sur la manière dont les occasions sont présentées aux promoteurs de régimes.
« La tâche ne sera pas facile. Les occasions seront nombreuses, mais elles devront être structurées de manière attrayante. Ce n’est pas comme si on parcourait tous les régimes de retraite et qu’on poussait les investisseurs à se battre afin d’investir de l’argent. On doit les structurer de manière à les rendre attrayantes pour leur mandat », a déclaré M. Poloz.
M. Poloz a affirmé qu’on n’a pas besoin de démanteler le système de retraite canadien, mais qu’on doit le faire évoluer en fonction des pressions démographiques qui remodèlent le marché du travail. Il a rappelé que c’est la première fois en 50 ans que nous connaîtrons une pénurie de main-d’œuvre, en raison de la vague de départs à la retraite des baby-boomers et de la croissance limitée de la population.
De plus, comme le pouvoir du marché passe des employeurs aux employés, M. Poloz a suggéré qu’un accès plus large à des modèles de pension fiables, que ce soit en étendant le RPC ou en encourageant les régimes privés, pourrait apporter la sécurité dont les générations futures auront besoin à une époque d’incertitude grandissante.
« La façon dont nous y sommes parvenus est remarquable », a-t-il déclaré, tout en ajoutant qu’il serait essentiel d’élargir la couverture.
Plutôt que d’attendre que les politiques changent à Washington, les promoteurs de régimes et les investisseurs devront se préparer à une réalité plus dure, a souligné M. Poloz.
« Nous devons nous adapter à cette nouvelle réalité malheureuse et nous positionner pour nous défendre contre les risques de baisse », a-t-il déclaré.
Josh Welsh, journaliste, Benefits and Pensions Monitor

Josh Welsh est journaliste dans le secteur de la gestion de patrimoine pour Key Media. Il est le principal journaliste de BPM et a écrit pour InvestmentNews, la publication américaine sœur de BPM. Il a étudié au Humber College, et est titulaire d’un baccalauréat en journalisme et d’un diplôme en art dramatique.
En dehors de l’écriture et des entrevues, il fréquente l’historique Arts and Letters Club of Toronto, où il assiste au tout dernier film sur le plus grand écran possible, ou poursuit son rêve de devenir acteur. Pour toute suggestion d’article ou communiquer avec lui, écrivez-lui à l’adresse [email protected].